Victimes +1 Agresseur = 0
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
Le Deal du moment :
Réassort du coffret Pokémon 151 ...
Voir le deal

Comment vivre après une agression?

Aller en bas

Comment vivre après une agression? Empty Comment vivre après une agression?

Message par Fabrice13510 Jeu 21 Juin - 10:37

Une agression, qu'elle soit sexuelle ou physique, laisse des traces souvent indélébiles. Paradoxalement, les victimes éprouvent souvent de la culpabilité parce qu'elles ne sont pas entendues dans leur souffrance. Et le traumatisme revient parfois à la surface des années après...
Il y a quelques années, Victoire a été violée. Une agression aux effets d'autant plus insidieux et difficiles à digérer qu'elle a été commise par son mari. "Il était en colère contre moi, parce que je l'avais trompé quelques mois avant. Il a justifié son acte en m'expliquant que ma trahison avait fait sortir ce qu'il avait de plus laid en lui", raconte la jeune femme. Depuis, Victoire garde en elle "une culpabilité tenace": "Parce que j'ai laissé faire, parce que je n'ai pas été remplie d'une colère noire, parce que j'ai continué de l'aimer (et que je l'aime toujours), il reste aussi beaucoup de honte."

Fabrice quant à lui, s'est fait tabasser dans la rue à la sortie du métro, un soir d'hiver. "Ils m'ont pris mon argent, mon téléphone et... ma légèreté." Salement amoché, Fabrice n'a pas osé porter plainte. "Je suis plutôt costaud, je crois que j'ai eu peur que les policiers ne me croient pas, ou pire, se moquent de moi parce que je n'avais pas su me défendre contre deux gamins." Alors qu'il était "plutôt très zen", Fabrice multiplie aujourd'hui les crises d'angoisse dès qu'il marche seul dans la rue le soir. Comment vit-on après une agression, quelle qu'en soit sa nature? Comment reprendre le cours de son existence, comment se débarrasser de la peur et d'un sentiment de culpabilité, sentiment ô combien paradoxal alors que la seule faute commise est celle d'avoir été victime? Témoignages et décryptage.

En parler autant que nécessaire
"Il est à mon avis illusoire d'imaginer que l'on peut se débarrasser du souvenir et du traumatisme généré par une agression. Je pense même que cela n'est pas souhaitable. Pourquoi vouloir gommer ce qui fait partie de son histoire et de sa construction? Quoi qu'il arrive, il restera comme une cicatrice douloureuse, constate Violaine Gelly, psychothérapeute. Plutôt que d'oublier, il faut apprendre à vivre avec, pour que la vie entière ne soit pas conditionnée par cette agression." La première chose à faire, conseille Violaine Gelly, "est d'en parler". "Cela semble évident, mais ça ne l'est pas. Certaines victimes ont besoin de raconter encore et encore ce qui s'est passé, par le menu détail, les sensations éprouvées, les émotions traversées. Or parfois, pour les proches, ces mots sont difficiles à entendre, il peut y avoir un moment où la victime entend que 'ça suffit, il est temps de passer à autre chose'."


C'est en cela que se confier à un thérapeute peut être nécessaire. Savoir qu'il existe un lieu où la parole peut se libérer, sans jugement, sans que l'interlocuteur ne souffre par procuration. "Sachant, rassure la psychothérapeute, que cela ne signifie pas forcément s'embarquer pour des années de thérapie, parfois quelques séances suffisent." Clotilde a entamé une thérapie après un viol cet été. "Le cabinet de ma psy, c'est un endroit, voire LE lieu où je me sens en sécurité, où je peux prendre la place de sujet sans jugement, sans lassitude en face. Je décortique ce qui est arrivé, comment, pourquoi je me suis tue, moi qui suis pourtant forte, etc. Je dépose mes angoisses, et cela me fait du bien."

Eviter toute parole qui remet en question la véracité du récit
En parler sans être jugé, sans être mis en doute, est donc une première étape indispensable. A ce titre, Violaine Gelly appelle les proches des victimes à éviter les phrases telles que "ça n'est pas grave", "tu aurais peut-être dû..." "tu es sûr que ça s'est passé comme ça", etc. En somme, toute parole pouvant mettre en question la véracité du récit ou du traumatisme.

"Parce que tant que l'on est pas reconnu dans sa souffrance, il est difficile de se défaire du sentiment de culpabilité éprouvé par de nombreuses victimes d'agression", insiste Violaine Gelly. "Peu de proches savent ce qu'il m'a fait cette nuit là, confie Victoire. Parce que lorsque je le dis et que les gens s'offusquent, cela me renvoie à ma faiblesse. Et ça nourrit mon sentiment de culpabilité. Seul mon psy m'a aidée."

La colère, une émotion qui parfois ramène à la vie
Il faut également accepter que se "remettre" prend du temps, poursuit Victoire. Qu'avant de parvenir à une éventuelle résilience, on puisse éprouver de la colère, ajoute Violaine Gelly. "On confond souvent 'colère' et 'violence', regrette-t-elle. Or la colère est une émotion salvatrice, qui ramène à la vie. Lorsque mes patients, qui souffrent de dépression notamment après une agression, commencent à manifester leur colère, je sais qu'ils sont en train de sortir de l'hébétement. Il n'y a pas d'émotions négatives. Une émotion, si elle est ressentie, c'est qu'elle est juste. L'émotion est une messagère du corps quand les sentiments ne sont pas entendus. Sans colère, il est difficile de sortir du statut de victime. J'explique à mes patients qu'ils ont le droit d'avoir des pensées négatives à l'encontre de celui ou de celle qui les a agressé. Ce qui compte, c'est de ne pas passer à l'acte, évidemment. Mais on a le droit d'être en colère."

Ce sentiment a fait du bien à Emma, agressée par un homme en rentrant chez elle un soir. "Heureusement, une voiture est arrivée, il a pris peur et s'est enfuit. Mais je sens encore ses mains sur moi, son haleine sur mon visage, ses baisers forcés et ses claques. Pendant des semaines, j'ai essayé d'oublier, j'ai lu de tas de choses sur la résilience, le pardon, etc. Mais je n'y arrivais pas et je me sentais encore plus minable de ne pas avoir cette force là. Et puis un jour, mon thérapeute m'a autorisée à exprimer ma rage. A dire à haute voix ce que j'aimerais lui faire pour me venger, à crier. Cela m'a fait beaucoup de bien!" "Je dis souvent à mes patients que le pardon n'est possible que si l'autre l'a demandé, avec justesse et sincérité. Surtout, on ne peut pas imposer le pardon. Si l'on ne le ressent pas, cela ne sert à rien", commente Violaine Gelly.

"Un dégoût immédiat"
D'une manière générale, ajoute la psychothérapeute, même en ayant travaillé sur le traumatisme, même en ayant l'impression d'avoir fait la paix avec ce souvenir, il peut arriver que l'agression se rappelle à la victime, à des moments où elle s'y attend le moins. Fabienne, violée à 17 ans, peut encore tressaillir lorsqu'elle entend certaines voix d'hommes qui ressemblent à celle de son agresseur et ce, des années après. Stéphanie, violentée enfant, raconte pour sa part qu'un jour son compagnon l'a embrassée dans le cou, "d'une certaine manière". "J'ai eu un violent mouvement de recul et j'ai ressenti un dégoût immédiat. J'ai tout de suite compris que ce geste me rappelait un geste de mon violeur." Violaine Gelly évoque une de ses patientes qui s'est mis à revivre son viol lorsque sa propre fille a eu 16 ans, âge auquel elle avait été victime.

"J'ai l'impression que le traumatisme est derrière moi mais je n'arrive pas à en parler simplement, comme une chute de vélo, cela reste encore très à vif malgré toutes les années de thérapie, je ressens toujours beaucoup de culpabilité, de m'être laissée faire alors que je n'avais que 9 ans. Je me suis construite avec ce sentiment et cela a pris beaucoup de place dans mon comportement avec les autres, c'est la plus grosse cicatrice qu'il me reste, la peur d'être rejetée si je dis non", raconte quant à elle Elise, elle aussi violée dans son enfance.

LIRE AUSSI >> "Il faut aider les femmes à inverser la culpabilité de la violence"

"Ils ont abusé de mon corps mais ils n'auront pas mon âme"
Mais, assurent plusieurs de nos témoins, l'agression, si elle fait partie intégrante d'une histoire personnelle, n'empêche pas de "revivre". "Ils ont abusé de mon corps, mais ils n'ont pas eu mon âme et ils n'ont pas réussi à me détruire. Je n'ai jamais accepté le mot 'victime'. J'ai été victime de deux tarés mais je ne suis pas une victime", explique Stéphanie, qui revendique une vie amoureuse et sexuelle épanouie malgré un passé d'enfant abusée.

"La place de victime était primordiale à intégrer au moment du procès mais maintenant je ne veux plus de ça, je ne suis pas QUE ça", explique également Elise. Quant à Fabrice, il prend des cours de krav-maga. "Je ne suis pas certain que cela changerait grand-chose si je me retrouvais dans cette situation, mais ça me donne l'impression d'être dans l'action, voire la réaction. Et c'est énorme, en fin de compte." Clotilde, elle, a trouvé du réconfort après le viol subi cet été dans un groupe féministe. "Il y a une écoute, une bienveillance absolument merveilleuse. Je me rends compte qu'on est tellement de femmes à avoir vécu au moins un viol. Cela m'aide à remettre mon histoire individuelle au sein d'une histoire collective et politique. Le féminisme m'apporte un regard politique et légitime ma colère, la rend moins 'anormale'."

"Mon caractère s'est affirmé et je ne me laisse plus marcher sur les pieds", constate enfin Fabienne, qui précise néanmoins "ne plus boire d'alcool depuis cette soirée, sans doute pour être capable de contrôler en cas de dérapage". Preuve s'il en est du conditionnement qui peut découler d'une agression, bien des années après...
Fabrice13510
Fabrice13510
Admin

Messages : 13
Date d'inscription : 20/06/2018

https://victimes1agress0.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum